Le vent jaune

« On ne voyait plus la ville. On ne voyait plus les montagnes. Tout disparaissait sous une poussière jaune plus fine que le sable, si fine que ses grains en étaient indiscernables à l’œil, si bien qu’on eût pensé que le monde avait simplement attrapé la jaunisse, comme disait Pèir en pestant :
– Qu’est-ce que ce pays de cagasse d’oie ?
– C’est la poussière de la plaine, dit Süleyman, dont le nez et la bouche se dissimulaient sous le pan de son manteau relevé. De l’Irak, d’en-bas. On dit que quand il y manque des pluies, cela fait toujours ça : le vent souffle, la poussière se lève et vient jusqu’ici.

Et après un silence, il ajouta à voix plus basse :
– Il y a aussi que Sheikh Shudjâ’ trouve que c’est bien commode, pour que les Sept arrivent ce matin, devant la citadelle, sans être vus.
– Hum ! dit Pèir en jetant un œil au vieux sheikh. J’aurais dû me douter que ce sorcier y était pour quelque chose. »

Extrait de: La Rose de Djam II : La grotte au dragon

Soit Shudjâ’ se promène en ce moment dans ces parages, soit il n’y est pas TOUJOURS pour quelque chose. Mais le vent de poussière jaune (ou cagasse d’oie comme dit Pèir) ne s’est pas levé qu’à Erbil.

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Il a pourtant plus hier soir et cette nuit. Apparemment, pas assez, malgré les prières des derviches et mollahs.

Beignets de pomme et thé à l’orange

Ayant acheté pour 5000 dinars de pommes rouges au bazar (2000 dinars le kilo), en plus de croquer ça pour avoir bonne conscience, j’essaie d’en faire quelque chose d’un peu plus gourmand. Par exemple des beignets de pomme. Tout le monde a des souvenirs de beignets de pomme au gouter, un jour de congé pluvieux.

Mais sans oeufs (voir pourquoi ici) et sans bassine à frire. Pas grave, pour la pâte je me sers de la recette universelle de ma cuisine qui me sert à faire des petits pains, des pancakes ou des crêpes ou des beignets. Mêmes ingrédients, la seule chose qui varie étant le le volume d’eau ajouté pour l’épaisseur de la pâte.

Je mets environ 400 g de farine dans un saladier, environ 2 c. à café de levure sèche de boulanger, un peu de sucre et de sel, et 1 ou 2 c. à soupe de lait en poudre pour bébé fourni par le gouvernement, lait pas très bon à boire mais parfait pour une pâte, quand on n’est pas en Carême. Sinon, c’est optionnel.

Je laisse lever 2 heures dans une pièce chauffée (pour savoir si une pièce est convenablement chauffée, vérifier que le chat s’y soit installé pour dormir).

Puis je fais chauffer une poêle et 21 cm d’huile dedans, je coupe en gros quartiers les pommes, et je les trempe dans la pâte levée. Ensuite on jette dans l’huile et on attend que ça dore, on retourne, on attend, on sort et on met à égoutter sur une assiette saupoudrée de sucre.

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Servis avec un thé à l’orange. Pour faire un thé à l’orange : mettre dans la bouilloire une petite orange (celle de mon jardin, en l’occurence) coupée en 4 ou 6, non épluchée. Quand l’eau bout, sortir la bouilloire du feu et y  infuser le thé.

Au nord par une montagne, au sud par un lac, à l’ouest par les chemins, à l’est par un cours d’eau

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« Le petit-fils du prince Genji se tenait devant la Grande Porte, et sortit d’une poche secrète de son kimono un mouchoir blanc. Il déplia la fine pièce de soie dont les angles étaient minutieusement ajustés bord à bord et tamponna, par minuscules pressions, la salive qui s’était agglutinée aux coins de ses lèvres.

Il se sentait toujours faible, il eut été préférable qu’il se reposât quelque part.

Il leva les yeux vers le ciel.

Au cours des mille dernières années écoulées, de nombreux types de vents y avaient circulé.

Il y avait eu des vents diurnes, des vents nocturnes, des vents du petit jour, des vents du crépuscule, des vents porteurs de neige ou de chaleur, printaniers ou vents d’automne, des vents légers et folâtres, des vents dangereux et destructeurs, des milliards de vents avaient arpenté les douze degrés de l’échelle de Beaufort, quelqu’un aurait même pu prendre la peine de les énumérer et de les classifier, car il y avait des vents dominants, des vents soufflant en rafales, des vents turbulents, des vents de gradient, des vents géostrophiques, des cyclones, des anticyclones, et ainsi de suite, il en avait été ainsi tout au long des mille dernières années, les vents étaient allés et venus sur les douze degrés de l’échelle de Beaufort, se poursuivant, se chassant, se poussant mutuellement, les alizés, les contre-alizés, les vents de terre et les vents d’altitude, le jet-stream, tout là-haut, à une hauteur inaccessible, et en bas, le tant espéré ou tant redouté vent marin, certains vents suivaient les cours des rivières, d’autres parcouraient les continents, d’autres encore les cavernes ou les jardins d’automne, il y avait partout un nombre inimaginable de types, de directions et de forces de vents, « mais, en réalité, la seule chose qui arrivait à ces vents – impossibles à dénombrer et à énumérer – est qu’ils étaient présents, même par calme plat, sans l’être vraiment, car lorsqu’ils venaient il ne se passait rien, et lorsqu’ils repartaient il ne restait aucune trace de leur passage, même par calme plat, invisibles à leur arrivée et tout aussi invisibles à leur départ, ils n’avaient jamais osé rompre avec cette fatale invisibilité, ils étaient là sans y être, il était possible de remarquer leur présence, et  même de les localiser, ici dans le frémissement des feuilles d’un arbre, dans les contorsions d’une frondaison, dans un tourbillon de poussière, dans le claquement d’une fenêtre, dans la course folle des détritus dans les rues, on pouvait les entendre murmurer, gémir, pleurer, siffler, hurler, rugir, puis se taire et se muer en brise, un visage pouvait sentir leur caresse, ou bien la plume d’un chardonneret frémissant sur une branche, on pouvait donc remarquer, entendre, sentir qu’ils étaient là, alors qu’ils ne l’étaient pas, car si les mouvements, les sons, les odeurs signalaient leur présence, les désigner et dire : les voilà, ils sont là, était impossible, car leur existence s’était toujours écoulée sur un mode exclusivement indirect, fantomatique, réels mais inaccessibles, présents mais insaisissables, ils incarnaient l’existence mais en étaient exclus, étaient si proches de l’existence qu’ils se confondaient avec elle, oui mais l’existence n’est jamais visible, c’est pourquoi ils étaient là sans y être, et qu’il ne restait rien d’eux sinon l’attente de leur venue, la crainte de leur arrivée, le souvenir de leur passage, mais le plus douloureux – le petit-fils du prince Genji leva les yeux vers le ciel – était que celui qui passait une fois ne revenait jamais plus. »

László Krasznahorkai, Au nord par une montagne, au sud par un lac, à l’ouest par les chemins, à l’est par un cours d’eau

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